Mots clés : modèles économiques, innovation économique
Si l'innovation technologique à tiré la croissance pendant tout le XXème siècle, elle n'est plus suffisante, même si elle continue et que son rythme s'accélère. Les innovations de services et d'usages se sont ajoutées à partir des années 1980 et sont devenues indispensables (l'usage est ce que l'utilisateur fait du service qui lui est proposé, il peut être très différent de ce dernier). Aujourd'hui, deux autres innovations ont pris également une place importante et sont devenues indispensables : l'innovation sociale et l'innovation économique.
L'innovation économique comprend, entre autre, de nouveaux modèles économiques innovante permis par exemple par l'effondrement du coût marginal dans le numérique : le coût que représente la production d'un exemplaire supplémentaire. Ainsi le prix de revient d'une voiture intègre le coût du développement de son modèle (investissement R&D), le coût de la production de cette voiture (coût marginal) et les coûts de promotion et de commercialisation. Mais avec le numérique, copier un simple fichier ne coûte rien, ce qui ne couvre cependant pas le l'investissement nécessaire pour développer un nouveau logiciel ou un album musical. La culture du gratuit sur internet rend difficile de faire payer l'investissement. Pourtant le libre par exemple vit en étant copiable. Cela nécessite d'imaginer de nouveaux modèles économiques.
L'étude " Musique et numérique la carte de l'innovation " réalisée par la Fondation Internet Nouvelle Génération a par exemple rassemblé tous les acteurs de la musique (aussi bien les organismes de droits d'auteurs que les tenants du libre) et les a fait travailler ensemble pour explorer les modèles économiques innovants pour la musique sur internet. Cette étude a permis de découvrir de nombreux modèles qui dans certains contextes, rendent viable l'économie musicale numérique :
- L'économie des flux, qui consiste à passer d'une économie fondée sur des prix unitaires et des quantités faibles, à des volumes élevés et des prix unitaires faibles - voire non-mesurables, le consommateur ne payant alors qu'un droit d'accès aux flux.
- L'économie des services, qui retrouve le chemin de la rareté, de la singularité et de l'exclusivité dans l'expérience musicale, la relation avec une œuvre ou un artiste.
- L'économie de l'attention, l'intermédiation entre une "offre" surabondante, diverse, mondiale et une demande de plus en plus individualisée et mobile.
Il est intéressant de noter que dans tous les modèles économiques même gratuits il y a toujours un ou plusieurs payeurs :
- L'utilisateur, qui remplace le coût d'un produit packagé par un investissement personnel en temps pour s'approprier un logiciel libre (il est également possible d'ailleurs avec le libre de payer un package et même du service pour ne pas avoir à investir en temps...)
- L'utilisateur qui paye parfois autre chose que le service habituel : ainsi en Scandinavie, dans les salles de sport, on paye plus cher non pas lorsque l'on vient plus souvent mais lorsque l'on ne vient pas (sur un modèle similaire des médecins asiatiques que l'on ne paie que lorsqu'on est en bonne santé et que l'on arrête de payer lorsqu'il doit nous soigner). Dans le même ordre d'idée, Andrew Odlyzko a montré que la communication entre les personnes représentait une somme d'information bien supérieure aux contenus packagés diffusés (voir la notion d'économie de flux ci-dessus dans l'étude musique).
- Le fournisseur qui offre par exemple un téléphone gratuit (qu'il doit cependant payer) qui ainsi acquière un client qui lui achètera des forfaits téléphoniques chaque mois. Il s'agit dans ce cas d'un investissement (dans ce cas commercial) de la part du fournisseur.
- Un tiers qui outre de la publicité peut aussi acheter ainsi des informations permettant de mieux adapter son offre à des clients potentiels et ainsi développer sa clientèle. Les profils créés par les utilisateurs de service Web 2 .0 par exemple se monnayent bien et représentent le modèle économique dominant de ce domaine. Linden Lab, éditeur du monde virtuel second life, ne pourra contenir la concurrence indéfiniment. Il ouvre actuellement sa plate-forme et se positionne comme un représentant de notre " profil numérique "
Mais ces nouveaux modèles économiques ne concernent pas seulement les biens numériques. De nombreux secteurs profitent des réseaux et du numérique et ainsi peuvent bénéficier de ces réflexions. Ainsi, les Eurockéennes rassemblent 100 000 personnes mais 40 000 personnes supplémentaires y assistent par internet. Pourrait-on aller plus loin ? Selon Jean-Paul Rolland, si 80% du festival était gratuit, cela modifierait 60% du budget. Cela n'est pas suffisant cependant pour un équilibre économique et d'autres modèles économiques seraient à inventer, mais d'ores et déjà l'internet est devenu " une des petites révolutions de la musique populaire ".
Dans l'avenir, de nombreux autres secteurs pourraient être touchés par ces problématiques. Ainsi, se développent actuellement des imprimantes 3D qui permettent à partir d'un modèle numérique peuvent créer un objet (pour l'instant en plastique). Ces imprimantes coûtent entre 30000 et... 350 euros. De nouveau, le coût marginal chute et on imagine d'ores et déjà des " objets libres " sur le modèle des logiciels libres...
Mais si de nombreux domaines peuvent nécessiter de nouveaux modèles économiques et que ceux-ci évoluent rapidement avec une forte innovation dans ces modèles, alors une autre question se pose : comment passer d'un modèle économique à l'autre ? Par exemple les utilisateurs habitués au gratuit ont du mal à revenir en arrière. La solution passe sans doute par des modèles mixtes (gratuits/payants) ou par exemple tout ce qui est générique pour tout le monde est gratuit et tout ce qui est spécifique est payant. Dans tous les cas, nous avons le choix aujourd'hui entre plusieurs modèles, mais leur choix n'est pas neutre. Les modèles économiques sont des choix de société.
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